Du nouveau en matière de harcèlement moral

Du nouveau en matière de harcèlement moral

Dans un arrêt en date du 23 avril 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence important. Désormais, elle décide que le salarié qui signale des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, même s'il n'a pas expressément qualifié les faits de harcèlement moral lors de sa dénonciation (Cass. Soc. 19 avril 2023 n°21-21053).

Rappel des dispositions en matière de harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-2 du Code du travail, aucun salarié, personne en formation ou en stage ne peut faire l'objet de sanctions, licenciement ou mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation ou renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-3 stipule que toute rupture du contrat de travail en violation des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail est nulle.

La Cour de cassation a établi, de manière constante, que le salarié qui rapporte expressément des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf en cas de mauvaise foi. Cette mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés et non du simple fait que les faits dénoncés ne sont pas établis (voir notamment Cass. Soc. 10 juin 2015, n° 13-25554).

La question se posait de savoir si le salarié devait utiliser expressément les termes de « harcèlement moral » dans le cadre de sa dénonciation.

La position antérieure de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation avait semblé exigé du salarié qu'il qualifie juridiquement les faits qu'il estime avoir subis pour bénéficier de la protection des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail (Cass. Soc. 13 septembre 2017 n°15-23045).

Cette exigence avait été confirmée par la Cour de cassation dans des décisions ultérieures (Cass. Soc. 21 mars 2018, n° 16-24350 et Cass. Soc. 29 septembre 2021 n°20-14179).

Cette approche formelle était critiquée pour son caractère restrictif et la complexité qu'elle imposait au salarié qui ne dispose pas nécessairement de connaissances juridiques pour qualifier les agissements dont il se plaint.

Le revirement opéré par la Cour de cassation le 19 avril 2023

La Cour de cassation estime désormais que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu importe s'il n'a pas qualifié les faits de "harcèlement moral" lors de leur dénonciation, sauf en cas de mauvaise foi.

Ce revirement est motivé par la volonté de garantir une égalité entre les parties face au Juge. En effet, si l'employeur peut invoquer des éléments essentiels pour sa défense même s'il ne les a pas mentionnés précédemment, comme la mauvaise foi du salarié par exemple, il n'y a aucune raison objective de ne pas accorder cette possibilité au salarié qui relate des faits pouvant constituer un harcèlement.

Il serait injuste d'exiger du salarié une qualification précise des faits alors qu'elle n'est pas exigée de l'employeur.

Cependant, cette nouvelle solution peut engendrer une certaine insécurité juridique, car elle ne s'applique que si l'employeur ne pouvait légitimement ignorer, à la lecture de l'écrit adressé par le salarié motivant son licenciement, que ce dernier dénonçait des agissements de harcèlement.

La Cour de cassation n'a pas encore précisé quels indices permettront aux juges du fond de déterminer clairement si les faits dénoncés peuvent être qualifiés de harcèlement moral.

Il faudra donc attendre les prochaines décisions des juges du fond pour évaluer l'impact réel de ce revirement et les éventuelles clarifications qui pourront être apportées par la Cour de cassation.

Vous pouvez consulter le texte de l'arrêt en cliquant ici.

 

 Nathalie DAHAN AOUATE

Nathalie Dahan Aouate est avocat expert en droit du travail et intervient dans la défense des salariés.

Pour plus de renseignements, n'hésitez pas à nous contacter au 01.46.16.52.01

Nathalie DAHAN AOUATE

Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

www.cabinet-nda.fr

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